Par Myriam Berber

2011 a été marquée par la montée en puissance des agences de notation financières. Depuis quelques mois, Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch, maintiennent la pression sur la zone euro. Tout le monde est logé à la même enseigne, Etats, banques, entreprises et collectivités locales.

Accusées de faire la loi sur les marchés financiers et sur les politiques des Etats, les agences de notation suscitent ces derniers temps des réactions très virulentes. Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, n’a pas mâché ses mots fustigeant des agences « franchement incompréhensibles et irrationnelles » et dont « l’utilité pour guider les investisseurs n’est plus avérée aujourd’hui ».

Il est vrai que ces derniers mois, les agences s’en sont pris en priorité aux Etats fragiles de la zone euro, mais pas seulement. Les Etats-Unis et leur dette publique colossale ont également été dégradés. Sanctions et menaces de sanctions ont également déferlé sur les grandes banques espagnoles, italiennes, françaises, comme notamment la Société Générale et le Crédit Agricole.

Une montée en puissance des agences qui est liée à la place qu’elles occupent actuellement dans les réglementations financières internationales comme l’explique l’économiste Norbert Gaillard, auteur de l’ouvrage Les Agences de notation : « les notes qu’attribuent ces agences sont intégrées dans les règlementations aux Etats-Unis et en Europe. De ce fait, les grands investisseurs, comme les fonds d’investissements, les assureurs, les sociétés de crédit, sont obligés de prendre en compte ces notes pour faire leur arbitrage sur les marchés. Des changements de note qui ont contribué à accentuer la spirale baissière sur les marchés ».

La note maximale, le fameux triple A

Les collectivités locales et les entreprises sont, elles aussi, dans le collimateur de ces fameuses agences. En tête de liste, on retrouve les régions espagnoles, très endettées depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2008 et les municipalités italiennes. Du côté des entreprises, la notation du premier constructeur automobile japonais Toyota pourrait ainsi être dégradée, car sa rentabilité est mise à mal par la cherté du yen.

Ces agences privées sont, en effet, chargées d’évaluer la solvabilité des Etats et des entreprises, qui les payent pour obtenir une notation, pour pouvoir emprunter sur les marchés. Pour un Etat comme pour une entreprise, la note « AAA » est la meilleure. Elle signifie que l’emprunteur n’a aucun mal à rembourser sa dette. Ensuite les notes allant de « AA+ à A-» sanctionnent les pays où les investissements sont jugés de « bonne qualité » ou de « qualité moyenne ». A l’inverse, la note « D » est la pire, elle signifie que le pays est en défaut de paiement.

Renforcer la concurrence

Le problème, c'est que ces trois grandes agences sont en situation de monopole, elles détiennent, en effet, 95% du marché. La plus ancienne est Moody's, créée en 1909. La plus influente est Standard and Poor's. C'est elle qui a dégradée le triple A de la dette souveraine américaine. C'est aussi la plus récente puisqu'elle a été créée en 1941. Il y a enfin l'agence Fitch, créée en 1913, qui est la plus européenne puisqu'elle appartient au groupe français Fimalac. D'autres organismes existent mais ils n'ont pas le poids de ces trois agences.

De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer le fonctionnement opaque de ces agences de notation qui ne sont pas à l'abri de conflits d'intérêts. Elles sont, en effet, payées par les clients à qui elles fournissent des informations sur leur solvabilité. Au début des années 2000, l’affaire d’Enron aux Etats-Unis a montré leurs faiblesses.

L’électricien avait maquillé ses comptes, sans que les agences de notations ne réagissent, avant de se déclarer en faillite. En 2008, elles ont également perdu une partie de leur crédibilité au moment de la crise des subprimes. « Ces agences ont été jugées trop lentes à avertir des problèmes des prêts hypothécaires à risque aux Etats-Unis », explique Norbert Gaillard. Avant d’ajouter : « depuis, elles ont essayé de regagner une certaine crédibilité prenant conscience de l’aggravation de la dette. Pour redevenir crédible, elles ont du dégrader massivement et ont donc été accusées d’aggraver la crise ».

C’est pourquoi de plus en plus d’hommes politiques européens appellent à des mesures pour limiter l’impact direct de ces agences sur les coûts d’emprunt des pays. Pour renforcer la concurrence, l’idée d’une agence de notation européenne publique indépendante a été évoquée, puis abandonnée.

Pour en savoir plus :

Norbert Gaillard, Les Agences de notation, publié aux éditions La Découverte

Système de notation des agences Fitch, Moody's et Standard&Poor's.





Posted Image

RFI