Inauguré samedi 31 mars, le Musée Toulouse-Lautrec a fait l’objet d’une restructuration majeure. Celle-ci met mieux en valeur le palais du XIIIe siècle qui l’abrite.

Il y a plus d’un siècle, en 1901, à la mort d’Henri de Toulouse-Lautrec, sa famille et son ami d’enfance Maurice Joyant proposèrent au Musée du Luxembourg et au sous-secrétaire d’État aux beaux-arts, Léon Bonnat, d’offrir ses tableaux aux collections nationales.

Portraitiste académique à la mode, Léon Bonnat fit la fine bouche devant les œuvres de son ancien élève, alors reconnu seulement pour ses talents d’affichiste. Et le Musée du Luxembourg, qui avait déjà écarté la moitié des toiles impressionnistes léguées par Gustave Caillebotte en 1894, opposa son refus. Une bévue providentielle pour la ville natale du peintre, Albi, à qui la comtesse de Toulouse-Lautrec donna finalement en 1919 tout le fonds d’atelier de son fils.

Riche d’un millier d’œuvres, peintures, dessins et lithographies, couvrant toute la carrière de l’artiste, la collection installée dès 1922 dans le superbe palais de la Berbie, bâti en briques au XIIIe siècle, attirait chaque année près de 140 000 visiteurs dont de nombreux Japonais, particulièrement amoureux du peintre.

Quelques accrochages posent question

Mais le clou de cette rénovation a été la découverte dans la tour Mage d’un magnifique pavement médiéval en terre cuite vernissée avec un décor géométrique orné de tours crénelées et de croix du Languedoc. Soigneusement préservée dans le parcours de visite, cette salle pourrait avoir servi de tribunal de l’Inquisition des évêques luttant contre l’hérésie cathare. Une autre belle surprise du chantier a révélé, en 2011, au plafond de la galerie d’Amboise datant de la Renaissance, tout un décor peint du XVe siècle, en cours de restauration.

Déployé plus au large, le parcours dans l’œuvre de Toulouse-Lautrec a gagné en lisibilité. Au premier étage, les œuvres et les affiches liées à la nuit parisienne célèbrent les vedettes des cabarets de l’époque – Aristide Bruant, la Goulue, Jane Avril, Loïe Fuller, Yvette Guilbert – où le trait naturaliste de Lautrec s’épure dans des raccourcis japonisants et un feu d’artifice de couleurs. Poignants, ses dessins de cirque rappellent aussi la période de son internement en 1899 à Neuilly pour de graves problèmes d’alcoolisme.

La scénographie déçoit cependant par ses disgracieuses cimaises, ses enduits brillants, ses banquettes rouges empruntées aux maisons closes, et l’espace trop réduit des salles dans l’aile des Suffragants, coupées au profit d’un couloir. De même, on reste assez perplexe devant l’accrochage du reste des collections permanentes. Pourquoi, par exemple, avoir remisé dans un coin de salle les deux La Tour du musée pour mettre en majesté sur la cimaise centrale de mauvaises copies d’après le maître ? Pourquoi aussi avoir dédié trois salles aux acquisitions très inégales opérées par le musée d’Albi au XXe siècle ? La splendeur des collections Toulouse-Lautrec, comme celle du bâtiment, appellerait des choix plus exigeants.

Rens. : 05 63 49 48 70

SABINE GIGNOUX, à Albi

la-croix.com